Intervention en conclusion du colloque « Le SGDSN, 110 ans au service de la défense et de la sécurité de la France »

Informations 23 décembre 2016

Discours prononcé par M. Louis Gautier le 23 novembre 2016. Maison de la Chimie. Paris

  • Actualités du SGDSN

Messieurs les officiers généraux,

Mesdames et messieurs les officiers, Cher Gilles Leclerc,

Cher Alain Barluet,

Mesdames et Messieurs,

Alors que ces deux journées de débats et de témoignages touchent à leur fin, je prononcerai quelques mots pour remercier les participants de ce colloque, français et étrangers, ainsi que les modérateurs qui ont animé les discussions – Gilles Lerclerc, Alain Barluet, Jean-Dominique Merchet, Jean Guisnel, Anne Bauer, Olivier Forcade, Michel Cabirol – et pour esquisser une conclusion de ces échanges stimulants, qui ouvrent pour nous autant de perspectives de réflexion et d’action.

Tout anniversaire est l’occasion de penser, sans nostalgie, au chemin parcouru, et nous avons saisi l’occasion de retracer l’histoire du SGDSN, caractérisée par des variations de périmètre autour d’un cœur fixe. Nicolas Roussellier l’a rappelé : sous trois Républiques, cette administration de mission a fait face à des donnes stratégiques successives – la préparation de la Nation à la guerre avant 1940, la dissuasion pendant la Guerre froide, depuis 2001 la globalisation des menaces et l’essor du terrorisme – qui l’ont amenée à évoluer sans perdre de vue son objectif premier, la défense de la France et la sécurité des Français.

L’histoire de cette institution est complexe, comme l’a illustré notre première table ronde, et je tiens à saluer l’œuvre accomplie par notre comité scientifique, avec la participation de Philippe Vial et de Guillaume Denglos, qui a su en reconstituer les différentes périodes pour élaborer une plaquette – que je vous invite par ailleurs à vous procurer. Ce travail de mise au jour de l’histoire du SGDSN peut être prolongé, à l’avenir, par l’ouverture de nouveaux chantiers d’étude historique, autour du rôle de cet organisme et de personnalités éminentes dont le destin a croisé celui de cette maison – le général de Gaulle bien sûr, mais aussi Adolphe Messimy.

Cette mise en perspective historique nous a permis d’appréhender, à travers les changements d’appellations et d’attributions, la permanence d’un besoin de coordination interministérielle, qui constitue depuis 110 ans un invariant. Ce besoin se manifeste avec une acuité certaine dans le domaine des moyens et actions militaires. C’est pour cette raison, sans doute, que le SGDN a été le premier secrétariat général permanent placé auprès du chef du gouvernement à voir le jour, bien avant le secrétariat général du Gouvernement créé en 1935. Aujourd’hui, la nécessité d’une action concertée des ministères s’impose également, pour lutter contre l’ennemi présent qu’est le terrorisme, mais aussi, et plus fondamentalement, parce que les sociétés démocratiques s’inscrivent dans un ensemble globalisé, ce qui rend nécessaire une mise en cohérence de nos actions en matière de sécurité intérieure et extérieure.

Un exemple concret et éloquent témoigne de la transversalité des questions de sécurité. Il s’agit de la variété des thématiques qui peuvent être inscrites à l’ordre du jour des Conseils de sécurité et de défense, dont le rythme est devenu hebdomadaire, ce qui rend cette structure plus réactive et n’est pas sans rappeler le National Security Council américain. Le Conseil peut en effet évoquer successivement le renseignement et l’évaluation de la menace ; la sécurité du territoire assurée par la mise en œuvre du plan Vigipirate et l’opération Sentinelle ; les opérations extérieures ensuite ; en dernier lieu, des sujets ponctuels peuvent être soumis à l’arbitrage présidentiel, comme le traitement PNR ou l’actualisation de la loi de programmation militaire. Je me garderai, rassurez-vous, de lever le secret de la défense nationale, mais un Conseil de défense peut aujourd’hui étudier aussi bien l’intensification de nos frappes en Syrie que le démantèlement d’une cellule djihadiste sur notre territoire, comme cela a été le cas à Strasbourg. De Saint-Etienne du Rouvray à Raqqa, l’interconnexion des menaces actuelles exige une approche globale des problèmes de sécurité. Nous avons pu réaffirmer, à cet égard, l’apport d’un organe interministériel tel que le SGDSN.

La variété des domaines d’intervention que je viens d’évoquer est porteuse du risque d’une institution « fourre-tout », qui a été évoqué au cours des débats par M. Henri Bentégeat. Les échanges de ces deux journées ont, je l’espère, contribué à démontrer que le SGDSN parvenait à éviter cet écueil, d’abord en cultivant une vision intégrée des problèmes de sécurité et de défense.

Combler les déficits d’intégration dans nos dispositifs de défense et de sécurité a effectivement été une vocation historique du SGDSN sous ses diverses formes. Il a ainsi œuvré au début de son existence pour l’intégration des armées dans un ministère de la défense. Le SGDSN s’emploie à favoriser les coopérations, les synergies, les rapprochements, à lutter contre les effets pervers de structures en silo – sans oublier néanmoins que la spécificité de leurs cœurs de métiers respectifs peut justifier que nombre d’administrations et d’opérateurs aient une existence distincte.

Un autre maître mot des activités du SGDSN est celui d’adaptation. Le SGDSN s’adapte, d’abord, aux particularités institutionnelles d’une Ve République où subsiste un « domaine réservé » du chef de l’Etat. Serviteur de deux maîtres, le SGDSN constitue un trait d’union entre Président de la République et Premier ministre, et assure la cohésion au sein de l’exécutif. Il joue un rôle de vigie et de tour de pilotage des politiques de sécurité et de défense. Le SGDSN s’adapte, en outre, à d’éventuelles carences de notre organisation administrative, pour assumer un rôle opérationnel et technique. Le rattachement au Premier ministre, et les moyens interministériels qui en découlent, en font un acteur pertinent pour intervenir sur des sujets tels que les exportations d’armes ou la cyberdéfense.

L’adaptation consiste aussi en un effort continuel de réflexion sur le long terme et d’anticipation face à des menaces sécuritaires qui évoluent continuellement, que ce soit le fait de l’inventivité des terroristes ou du progrès technologique. Comme l’a souligné M. Thierry Breton, le SGDSN devra par exemple – et sans attendre son 220e anniversaire ! – aborder les défis de la cybersécurité, symbolisés notamment par la 5 G et par l’ordinateur quantique. Comme l’ont illustré les discussions d’hier après-midi, nous avons pris la pleine mesure des risques et des perspectives qu’ouvre la technologie dans le domaine de la sécurité. Nous avons en conséquence engagé une démarche de prévention, par exemple en ce qui concerne la protection contre les drones, avec l’organisation des « hackathons ». Le renforcement de notre dispositif de sécurité passe aussi par la valorisation de nos savoir faire : le lancement avec l’ANR d’un programme de recherche sur des systèmes de repérage et de neutralisation des drones aériens a abouti récemment à la mise au point de démonstrateurs. S’adapter aux mutations des menaces, enfin, c’est, comme l’ont montré les échanges de la dernière table ronde, développer la résilience de la société face à la persistance du risque terroriste et à l’effet de sidération que produisent les attaques.

La subtilité des équilibres institutionnels dans lesquels il s’inscrit, la diversité de ses missions et de ses interlocuteurs, l’ampleur des défis qu’il doit relever : tous ces éléments requièrent du SGDSN une organisation intelligente, une smart organization, pour reprendre l’anglicisme utilisé hier par M. Jean-Pierre Raffarin. Le SGDSN peut compter sur l’intelligence, la compétence et l’implication de près de mille agents, civils et militaires. C’est eux qui permettent à cet organisme, après 110 ans d’existence, de continuer à se renouveler, et c’est eux qu’en dernier lieu je voudrais saluer.

Je vous remercie, et tiens à exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont contribué à l’organisation de ce colloque.

Publications qui pourraient vous intéresser